Vers un nouveau syndrome du «plombier polonais »?

Publié le par FO pôle-emploi Nord Pas de Calais

Depuis le 1er janvier, les citoyens bulgares et roumains peuvent travailler librement en France. Faut-il craindre un nouveau syndrome du « plombier polonais » ? Comment sont accueillis les nouveaux arrivants ? Quelles perspectives pour les Roms de la métropole ? Nos questions à Pôle emploi.

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Agnès Menard est directrice territoriale de Pôle emploi pour la métropole Flandre. Avec une vingtaine d’agences sous sa responsabilité sur le territoire de Lille et Roubaix-Tourcoing, elle est depuis quelques mois au cœur du sujet.

Je suis Bulgare ou Roumaine, je viens d’arriver sur le sol français, est-ce que je peux m’inscrire à Pôle emploi ? Les citoyens bulgares et roumains pouvaient s’inscrire à Pôle emploi depuis 2007 à condition de détenir un titre de séjour. Depuis le 1er janvier, ils bénéficient des mêmes mesures que les nationaux et l’ensemble des ressortissants de l’Union européenne sur le plan de l’accompagnement et des offres d’emploi. Ils doivent pour cela présenter une carte d’identité ou un passeport et déclarer un domicile.

Déclarer un domicile, pas simple quand on appartient à la communauté rom ? Tout d’abord, Pôle emploi n’a pas catégorisé les Roms. Ils relèvent d’une nationalité ou d’une autre et sont considérés comme l’ensemble des ressortissants européens que nous accueillons. Il s’agit de ne pas stigmatiser les familles de culture rom. Elles ont la possibilité d’être domiciliées auprès de structures recensées par la Préfecture. Ce sont généralement les CCAS des communes qui servent de boîtes postales.

Quelle est l’approche de Pôle emploi à l’égard des populations qui vivent dans les campements ? Nous avons été associés au programme Roma en mars dernier à l’initiative de la Préfecture. C’est un programme européen qui réunit plusieurs associations et structures. Il s’agissait de mettre en place des méthodes d’accompagnement social et d’insertion professionnelle en faveur de ce public et d’anticiper sur les nouvelles arrivées. Il y a eu tout un travail de repérage des populations présentes sur le territoire que ce soit en village d’insertion, à l’hôtel ou dans les squats et sur les terrains.

Concrètement, qu’est-ce qui ressort de cette étude ? Les associations ont recensé 1 800 personnes dans les squats et sur les terrains de la métropole. L’étude n’était pas seulement focalisée sur l’emploi. Il en ressort que ce public maîtrise peu la langue française, qu’il connaît mal le fonctionnement des institutions... Ce sont par ailleurs des personnes assez peu qualifiées. Cela nous a amené à mettre en place un process d’inscription spécifique, ces populations pouvant difficilement passer par la procédure classique (par téléphone ou par internet, ndlr). En concertation avec les associations, nous avons décidé de mettre en place, dès janvier, des réunions d’information collective à raison de deux réunions par semaine sur le territoire de Lille et de Roubaix-Tourcoing. Nous avons demandé aux associations d’être présentes lors de ces rencontres avec un interprète éventuellement. À l’issue de ces rencontres, qui auront valeur d’inscription administrative, les personnes seront dirigées vers les agences pour un entretien individuel.

Les conseillers de Pôle emploi ont-ils été sensibilisés ? Évidemment. On travaille avec les structures associatives dans une démarche qui prend en compte la personne dans sa globalité de l’insertion professionnelle à la santé. Mais cet accompagnement suppose aussi que ces personnes s’approprient les codes du monde du travail, le respect des horaires, la hiérarchie, les normes de sécurité...

Les entreprises sont-elles parfois réticentes à accueillir ces ressortissants ? On veille scrupuleusement aux discriminations, qu’elles touchent à la nationalité, au sexe, l’âge... Dans la rédaction des offres, nous rappelons systématiquement la loi aux entreprises. Globalement, celles que je côtoie sont très ouvertes à la promotion de la diversité.

Vers quels secteurs d’activité ces migrants seront orientés ? C’est difficile de répondre. Les profils sont très différents. Si l’on tient compte de leurs expériences antérieures, ces personnes pourraient être orientées vers le monde agricole, le bâtiment et dans une moindre mesure le nettoyage... Nous allons avant tout devoir travailler sur des projets de formation. Mais encore une fois, il ne faut pas stigmatiser, nous accueillons des ressortissants roumains et bulgares avec d’excellents niveaux scolaires et des expériences professionnelles très valorisantes.

Du côté des demandeurs, ressentez-vous une forme de concurrence ou de rejet envers ces migrants ? Pas du tout. Dans les entretiens individuels, les demandeurs d’emploi se concentrent avant tout sur leur capacité à retrouver un emploi.

Est-ce que vous vous attendez à un afflux massif de travailleurs de l’Est ? Pour le moment, cette question reste entière.


Sujet sensible à l’approche des élections

En 2007, une dizaine de pays de l’Union européenne dont la France avait imposé aux deux nouveaux États membres des restrictions à l’entrée sur le marché du travail des Roumains et des Bulgares pendant une période de sept ans. Une façon d’éviter la concurrence sur les travailleurs nationaux. Depuis le 1er janvier, ces mesures dites transitoires sont tombées. Mais elles ravivent le spectre d’un afflux massif d’immigrés venus d’Europe de l’Est. Sur fond de chômage et de poussée de fièvre populiste à trois mois des élections municipales et cinq mois des européennes, le sujet est sensible. Et la confusion générale entre les Roms, l’espace Schengen et les dispositions concernant les travailleurs détachés...

L’ouverture du marché du travail français aux citoyens de ces deux pays n’est pas nouvelle. Les ressortissants roumains et bulgares avaient accès depuis 2008 à une liste de 150 métiers dits en tension (dans lesquels il existe des difficultés de recrutement). Des médecins et infirmiers roumains et bulgares sont ainsi venus combler les déserts médicaux français. En octobre 2012, cette liste a été élargie à 291 professions (conduite d’engins agricoles, entretien d’espaces verts, boulangerie, coiffure...) Plus de 70 % des offres déposées à Pôle emploi leur étaient accessibles. Des dispositions qui selon le ministère des affaires européennes n’avaient pas provoqué d’arrivée massive de ressortissants de ces deux pays.

Un seul pied dans l’espace Schengen

Outre la France, huit pays européens dont la Belgique, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Espagne ont ouvert leur marché du travail depuis le 1er janvier. Les ressortissants roumains et bulgares ont donc le choix de se tourner vers des pays plus attractifs sur le plan de l’emploi. Selon les observateurs, les candidats au départ dans ces deux pays seraient de moins en moins nombreux. Depuis la chute du communisme en 1989, et jusqu’à leur entrée dans l’Union européenne en 2007, plusieurs grandes vagues d’immigration, ayant vidé ces régions de leurs forces vives.

À noter que Bulgares et Roumains, dont les communautés roms, jouissent depuis 2007 du droit de libre circulation et de séjour en Europe, au même titre que tous les citoyens de l’UE. Ils peuvent se rendre librement dans n’importe quel État à condition de ne pas rester plus de trois mois dans le même pays. Au-delà, il faut disposer de ressources suffisantes et d’une assurance maladie. Cette situation n’a pas changé. De la même manière, les communautés roms sont toujours susceptibles d’être expulsées du territoire.

La libre circulation des travailleurs roumains et bulgares dans l’UE ne signifie pas non plus que la Roumanie et la Bulgarie rejoignent l’espace Schengen sans frontières. Elles ont ratifié la Convention de Schengen - qui assure la liberté de circulation des personnes et des biens - mais elle n’est pas mise en œuvre pour le moment. Chaque état dispose d’un droit de veto sur l’élargissement de l’Europe sans passeport. La Roumanie et la Bulgarie continuent de s’y heurter en raison de la crainte de plusieurs états membres d’une immigration massive en provenance d’Asie et du Proche-Orient.

Selon la Commission européenne, 14 millions de citoyens européens résident dans un autre pays que leur État d’origine. Plus des deux tiers sont employés. Les autres sont retraités, étudiants ou chômeurs. A.D.D.

Travailleur détaché

De plus en plus d’entreprises ont recours aux travailleurs détachés. Un travailleur est considéré comme détaché s’il travaille dans un État membre de l’UE parce que son employeur l’envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans cet État... Les cotisations sociales appliquées sont celles du pays d’origine. Du pain béni pour certains employeurs qui peuvent ainsi embaucher à moindre coût. Le salaire et les conditions de travail de l’employé détaché relèvent, en théorie, des règles du pays dans lequel il travaille. Un salarié détaché en France doit donc toucher au moins le smic. Dans les faits, ces règles seraient souvent contournées.

Selon un rapport du Sénat publié en avril, la France a accueilli, en 2011, 144 411 travailleurs détachés officiellement déclarés. De son côté, le ministère du travail estime que 220 000 à 300 000 travailleurs détachés ne sont pas déclarés. La France est le deuxième pays d’accueil, derrière l’Allemagne et devant la Belgique dans la construction, le bâtiment, et le travail temporaire.

Les précisions de la préfecture

Pour les services de l’État, la gestion des dossiers des ressortissants roumains ou bulgares «  sera identique à celle des autres ressortissants de l’Union européenne  ». Ces citoyens peuvent librement travailler en France depuis le 1er janvier. Ils doivent être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité. Et ne sont pas obligés de détenir un quelconque titre de séjour ou de travail.

Comme tous les ressortissants de l’Union européenne, le citoyen roumain ou bulgare peut exercer une activité économique, salariée ou non salariée à l’exception des emplois de la fonction publique dite régalienne (défense, justice, impôts, police...) «  Il peut accéder à tous les dispositifs de droit commun favorisant l’accès à l’emploi dès lors qu’il en remplit les conditions, y compris les contrats aidés, dans les mêmes conditions que les nationaux  » précise la Préfecture du Nord qui rappelle que «  tout citoyen européen peut venir en France pour y rechercher un emploi pendant une période de six mois. » Il doit s’inscrire dès son arrivée comme demandeur d’emploi.

Au terme de cette période de six mois, s’il n’a pas trouvé de travail, il peut être obligé de quitter la France sauf s’il apporte la preuve qu’il continue à rechercher activement un emploi et qu’il a de réelles chances d’être embauché dans un délai proche. S’il n’a jamais exercé d’activité professionnelle ou s’il ne relève plus de la situation de demandeur d’emploi, il doit justifier d’un droit de séjour, c’est-à-dire soit être étudiant, soit justifier de ressources suffisantes et d’une assurance maladie.


Nordeclair



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